L’enfance sous l’apartheid

Photo: Laurence Chiasson

L’apartheid israélien a de multiples effets négatifs sur la vie des enfants palestiniens. En voici quelques-uns.

Les entraves à l’éducation

En 1999, Israël a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant (CIDE), qui stipule que le droit à l’éducation s’applique à tous les enfants, y compris les enfants en situation de handicap et les membres de minorités ethniques, religieuses ou linguistiques. Le principe central de la CIDE est de garantir « l’intérêt supérieur de l’enfant ». La CIDE oblige également les États à rendre l’enseignement primaire obligatoire et gratuit et à prendre des mesures pour encourager la régularité de la fréquentation scolaire. Elle documente en outre diverses situations où des enfants ont été privés de leur liberté.

Photo: Peter Biro (CC BY-NC-ND 2.0)

Le financement public accordé aux différents élèves démontre clairement l’inégalité que subissent les élèves palestiniens. Selon les données du gouvernement, le Mossawa Center, un groupe de défense des droits basé à Haïfa, en 2013, les dépenses annuelles par élève dans les collectivités palestiniennes s’élevaient à 734 shekels (220 $), comparés à 3 344 shekels (1,004 $) dans les collectivités juives pauvres et 5 934 shekels (1 781 $) dans les collectivités juives mieux nanties.

Citant des données gouvernementales pour cette même année, Haaretz a révélé que les dépenses publiques dans les écoles secondaires juives en Israël étaient de 35 à 68 pour cent plus élevées que pour les élèves palestiniens présentant un profil socioéconomique équivalent.

À certains endroits, les enfants palestiniens se voient forcés de traverser des points de contrôle de sécurité ou des barrages militaires pour se rendre à l’école.

Selon un sondage mené auprès des ménages par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies, dans les districts à accès restreint de Hébron sous contrôle israélien, 88 % des enfants doivent traverser un point de contrôle pour se rendre à l’école. Dans ce secteur relativement petit, on ne compte pas moins de 121 obstacles physiques à leur circulation, y compris des barrages, des barrières et des points de contrôle.

Des soldats israéliens fouillent les sacs des étudiants palestiniens à Hébron, 2012 (Photo CC0 1.0)

Les soldats soumettent régulièrement les enfants à des fouilles corporelles, en plus de fouiller leurs sacs, ce qui les retarde inutilement. Il n’est pas rare que les enfants soient placés en détention. Selon l’UNICEF, les garçons adolescents sont particulièrement susceptibles d’être interpellés et fouillés par les forces israéliennes. Ces interactions agressives ne sont pas qu’un simple inconvénient pour les élèves. La recherche démontre qu’après avoir subi du harcèlement et de l’humiliation aux barrages militaires, les enfants ont de la difficulté à se concentrer et à bien fonctionner à l’école.

A photo of four female students and two female adults with their backs to the camera. Student in the middle is holding up peace signs with both her hands.
Palestinian students protest Israel’s apartheid wall in the village of Bil’in, West Bank. Photo: Aaron Lakoff

Les parents palestiniens n’ont que peu d’options pour mettre leurs enfants à l’abri de ces expériences. L’administration israélienne rejette ou ignore les demandes de permis soumises par les collectivités palestiniennes pour construire des écoles. Lorsque des écoles sont construites sans permis, l’administration émet souvent des ordres d’arrêt des travaux ou ordonne la démolition des écoles. Selon le projet Education Cluster, codirigé par l’UNICEF et Save the Children, en décembre 2020, 52 écoles palestiniennes servant 5 200 élèves étaient menacées de démolition totale ou partielle en Cisjordanie et à Jérusalem Est. Les écoles existantes sont souvent en mauvais état et n’ont pas de bibliothèque, de laboratoires, de terrains de jeu ou de dispositifs de régulation de la température fonctionnels.

Les écoles ne sont pas en mesure de protéger les enfants palestiniens contre le harcèlement et les agressions. Le rapport annuel 2020 du projet Education Cluster signale 119 incidents en contexte éducatif touchant 7 757 élèves et 615 enseignant·e·s et autres membres du personnel scolaire, et ce, au cours d’une année où les écoles ont été fermées pendant quatre mois en raison d’une éclosion de COVID-19. Parmi les incidents répertoriés, on mentionne que des soldats ont utilisé du gaz lacrymogène contre des élèves et du personnel scolaire, que d’autres ont tiré des projectiles de métal recouverts de caoutchouc sur des élèves (en atteignant un qui achetait des sandwiches avec des amis), que des colons ont mis le feu à une salle de classe et que des soldats, des colons et des agents de sécurité des colonies intimident et profèrent des menaces de violence. Des enfants ont été détenus et retardés, et il est arrivé que des écoles ne puissent pas ouvrir leurs portes parce que des fonctionnaires israéliens n’avaient pas accordé aux membres du personnel scolaire les permis dont ils avaient besoin pour accéder aux écoles.

La santé infantile

Selon un rapport produit en 2017 par le Norwegian Refugee Council (NRC), un enfant de 9 ans vivant à Gaza a 7 % de risque de connaître un retard de croissance dû à une malnutrition prolongée, et 60 % de risque de souffrir d’une forme légère ou modérée d’anémie.

Une autre étude menée par le NRC a déterminé qu’en 2019, 69 % des enfants d’âge scolaire vivant à proximité de la barrière de séparation entourant Gaza (le mur de fer séparant Israël de la bande de Gaza) présentent de signes clairs de détresse psychosociale. La plupart d’entre eux disent avoir été durement affectés par le son des explosions à proximité et les images de conflits à Gaza retransmises dans les médias. La même étude révèle que 81 % des enfants ont des difficultés à l’école en raison du stress induit par le conflit. Cinquante-quatre pour cent d’entre eux disent n’avoir aucun espoir d’un avenir meilleur.

Dans la bande de Gaza, le bien-être des élèves s’est considérablement dégradé entre 2019 (avant la pandémie de COVID-19) et 2020 (pendant la pandémie). Avant la pandémie, 80 % des élèves de Gaza disaient avoir un regard positif sur l’avenir. En septembre 2020, ce chiffre était tombé à 29 %.

La surveillance et la détention des enfants

Selon l’ONG Defense for Children International-Palestine, chaque année, entre 500 et 700 enfants palestiniens, dont certains n’ont pas plus de 12 ans, sont détenus et font l’objet de poursuite dans le système de justice militaire israélien.

À Jérusalem, même si les résident·e·s palestinien·ne·s et juif·ve·s sont techniquement soumis au même code de droit pénal, la discrimination sous-tend le maintien de l’ordre dans la ville. Dans tout Jérusalem, 77 % des enfants arrêtés en 2018 étaient palestiniens, même si les Palestiniens et les Palestiniennes ne représentent que 40 % de la population totale de la ville.

PLUS DE LECTURE À PROPOS DES EFFETS DE L’APARTHEID SUR LES ENFANTS

Raided and Razed

Un rapport du Norwegian Refugee Council (en anglais)

Un seuil franchi

Human Rights Watch