En vertu du droit international, en tant que puissance occupante, Israël a l’obligation d’assurer et de maintenir des soins de santé en Cisjordanie et à Gaza. Les situations sont quelque peu différentes en Cisjordanie, un territoire sous occupation, et Gaza, un territoire assiégé.
Le droit international et la prestation des soins de santé
La quatrième convention de Genève (1949) stipule qu’une puissance occupante a « le devoir d’assurer et de maintenir (…) les établissements et les services médicaux et hospitaliers, ainsi que la santé et l’hygiène publiques dans le territoire occupé ».
Israël a ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) en 1991. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, l’organe des Nations unies responsable de surveiller la mise en œuvre du Pacte, a confirmé qu’Israël est tenu, en vertu de celui-ci, de protéger le droit à la santé ainsi que les autres droits de la population sous occupation. Le Pacte met notamment l’accent sur « la prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres, ainsi que la lutte contre ces maladies [et sur] la création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie. »
En 1994, la responsabilité des soins de santé en Cisjordanie a été transférée à l’Autorité nationale palestinienne dans la foulée des accords d’Oslo, conclus en 1993.
Les installations médicales étaient déjà en mauvais état lorsque la responsabilité en a été transférée à l’Autorité palestinienne. De plus, celle-ci n’avant ni l’expertise ni les équipements nécessaires pour en assurer le maintien. Conséquemment : « L’intendance des soins de santé par l’Autorité palestinienne est largement symbolique. Le système de santé reste soumis à l’État d’Israël, qui conserve le contrôle des budgets en matière de santé, des passages frontaliers, des permis de construction et des importations/exportations de produits pharmaceutiques. » (Source : Medical Care in Palestine: Working in a Conflict Zone, par Emma Keelan).
Barrages, points de contrôle et hôpitaux
En Cisjordanie, plus de 500 points de contrôle et barrages routiers entravent la liberté de circulation de la population palestinienne. La Société du Croissant-Rouge palestinien, le principal fournisseur de services ambulanciers en Cisjordanie, indique que 93 % des transports en ambulance de patient·e·s gravement malades subissent des « retards importants » de dix minutes ou plus aux points de contrôle en raison de ce qu’Israël appelle les « protocoles de sécurité ». (Keelan)
Les hôpitaux de Gaza et de Cisjordanie ont toujours gravement manqué de ressources sous l’occupation israélienne. La situation ne s’est pas améliorée quand l’Autorité palestinienne a repris la responsabilité des soins de santé en Cisjordanie. En conséquence, les patient·e·s palestinien·ne·s doivent souvent recourir à des traitements médicaux plus avancés en Israël.
Selon l’Organisation mondiale de la santé : « Le taux d’approbation des demandes de permis israéliens pour quitter la bande de Gaza en 2019 s’est établi à 65 %. (…) On a constaté une tendance à la baisse du taux d’approbation, qui atteignait un pic dépassant 90 % en 2012, puis un creux de 54 % en 2017. » Human Rights Watch a signalé que 54 personnes étaient décédées à Gaza en 2017 après qu’Israël eut refusé de leur délivrer un permis ou alors qu’elles étaient en attente d’un permis.
Les soins de santé à Gaza
À Gaza, l’autorité de fait, Hamas, coopère avec l’Autorité palestinienne pour offrir les soins de santé à la population. Toutefois, en vertu du droit humanitaire international, l’État d’Israël est considéré comme une puissance occupante à Gaza en raison du contrôle qu’il exerce sur les frontières, la circulation des personnes et des biens, la sécurité, la fiscalité et l’inscription de la population. Par le contrôle étroit qu’il exerce sur les frontières terrestres, aériennes et maritimes à Gaza, Israël contrôle toutes les importations. Sous l’occupation israélienne, il y a une grave pénurie d’installations sanitaires et de médicaments.
Les frappes aériennes infligées à Gaza par l’armée israélienne en mai 2021 ont causé des dommages à 17 hôpitaux et cliniques médicales, en plus de détruire le seul laboratoire de traitement des tests de dépistage du coronavirus. L’une des cliniques endommagées était administrée par Médecins sans frontières et servait notamment au traitement des traumatismes et des brûlures.
En raison des limites qu’impose Israël à l’importation des matériaux de construction, il n’a toujours pas été possible de réparer les dommages causés à l’infrastructure médicale à Gaza.
COVID-19
La pandémie de COVID-19 est présentement l’enjeu médical le plus pressant en Palestine. Le Comité spécial de l’ONU chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes exprime « (…) une vive inquiétude après avoir appris qu’Israël, tandis qu’il distribue ses surplus de vaccins à l’étranger, manque à sa responsabilité juridique internationale et à son obligation de garantir la vaccination de la population palestinienne des territoires occupés (…) conformément à la quatrième convention de Genève. »
Même dans les endroits où il existe une autorité gouvernementale locale, comme l’Autorité palestinienne, Israël n’est pas exonéré de ses responsabilités pour garantir un accès égal et non discriminatoire aux vaccins dans le territoire occupé. Cela a été réaffirmé par la Commission internationale des juristes et le Haut Commissariat des Nations unies.
En mars 2022, selon le système de surveillance mondiale de la pandémie de COVID-19 créé par Reuters, Israël avait administré au moins 18 034 461 doses de vaccin contre la COVID-19, ce qui suffit à vacciner environ 99,6 % de la population d’Israël si l’on tient pour acquis que chaque personne a besoin de deux doses. Dans les territoires palestiniens occupés, les autorités ont administré 3 609 984 doses de vaccins. Si chaque personne a besoin de deux doses pour être pleinement vaccinée, cela signifie qu’environ 38,5 % de la population totale des territoires a été vaccinée.
L’existence d’entraves au traitement et à la prévention des infections à la COVID dans les territoires occupés reflète les procédés par lesquels la population palestinienne est constamment déshumanisée par les autorités israéliennes.
Les débats à la Knesset ont révélé que certains législateurs israéliens ont voulu troqué l’accès aux vaccins contre des concessions ou des renseignements de la part du Hamas, comme la libération d’Israéliens dont on soupçonne qu’ils sont détenus par le Hamas.
Cinq organismes israéliens de défense des droits de la personne ont déposé une pétition à la Cour suprême suite à la décision par le ministre israélien de la Sécurité publique, Amir Ohana, de ne pas vacciner les prisonniers palestiniens détenus dans des établissements israéliens, en violation des directives émises par son propre ministère de la Santé. Cette position a finalement été renversée après que le président d’Israël eut écrit au ministre de la Santé que le refus de vacciner les prisonniers était « (…) incompatible avec nos valeurs, les valeurs de l’État juif et démocratique ».
Ressources supplémentaires
Témoignages palestiniens sur COVID-19
Une série de dépêches de Palestiniens et Palestiniennes relatant les difficultés de la vie quotidienne dans les premiers temps de la pandémie de COVID-19.